Covid-19 et séquelles psychologiques : mythe ou réalité?
Une analyse, Nour Lana Sophia Karam, auteur
Jeudi 28 Mai 2020
Depuis que le Covid-19 a fait son apparition sur Terre et s’est ingéré dans le quotidien de chacun de nous, nos vies ont été incontestablement bouleversées : aux quatre coins du monde, des personnes ont été privées de voir leurs proches, tandis que d’autres ont, au contraire, été obligées de coexister avec des membres redoutés de leurs familles. Que ce soit dans un cas ou dans l’autre, il est sans nul doute nécessaire de constater que la plupart de ces individus ne sortira pas indemne de cette période. Effectivement, sentiment de solitude en raison de l’isolement social imposé par les mesures de confinement, anxiété s’expliquant par le flou de ce que l’avenir réserve, ainsi que stress chronique directement relié à la récession économique à l’échelle mondiale, nuisent fortement à la santé mentale.
Le cas du Liban est particulier en l’espèce, puisque la santé mentale y demeure un sujet tabou, malgré les timides efforts de sensibilisation déployés par le Ministère de la Santé Publique, lequel, depuis 2014, a mis en place un programme national de santé mentale en partenariat avec l’OMS, l’UNICEF, et le Corps Médical International (IMC).
En ce qui concerne le cadre plus spécifique de la gestion de la crise sanitaire et de son impact néfaste sur le bien-être individuel, le Ministère de la Santé Publique a prévu en mars 2020 un plan d’action pour contrevenir aux éventuelles séquelles que pourraient engendrer les circonstances entourant la dissémination du Covid-19.
Ce plan d’action tourne autour de quatre buts principaux :
-Promouvoir la santé mentale et réduire les facteurs de stress liés au Covid-19, notamment la stigmatisation et la discrimination des personnes contaminées ainsi que du personnel soignant ;
-Assurer un soutien en matière de santé mentale aux personnes en quarantaine tant dans les hôpitaux qu’à domicile ;
-Soutenir la santé mentale du personnel soignant, surtout celui en première ligne ;
-Assurer la continuité des services de santé mentale pour les personnes concernées.
Pour la mise en œuvre de ces différents objectifs, des mesures ont été implémentées dépendamment de la catégorie de personnes visées. En ce qui concerne par exemple les patients contaminés claquemurés à domicile et avec lesquels les cadres du Ministère de la Santé sont en principe en perpétuel contact, ceux-ci, en cas de troubles émotionnels accrus, devront être redirigés vers l’ONG Embrace -véritable pionnière libanaise de sensibilisation à la santé mentale- laquelle dispose d’une permanence téléphonique (1564) venant en aide à ceux nécessitant un soutien moral et psychologique.
Le personnel soignant, lui, a également accès à une cellule de soutien laquelle lui assure, si besoin est, des appels avec des professionnels de la santé mentale en plus de consultations régulières facultatives avec psychologues et/ou psychiatres pour faire le point sur son état psychosocial.
Le Centre de Recherche et de Développement Pédagogiques (CRDP) -établissement public sous la tutelle du Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement Supérieur- dont la mission est axée sur l’enseignement pré-universitaire, se charge lui aussi de par une campagne entreprise sur les réseaux sociaux, de publier une série de vidéos dans lesquelles interviennent des spécialistes de la santé mentale. Ces derniers se chargent de donner des directives et conseils généraux surtout adressés aux parents, afin de les aider à gérer au mieux le comportement de leurs enfants, lesquels, pour la plupart, assimilent cette période de mobilisation générale à une punition injustifiée.
Si l’État tente visiblement d’avancer à petits pas dans le domaine de la santé mentale, que ce soit par son programme national établi en 2014 ou par le plan d’action qui a récemment été mis en place dans le contexte sanitaire actuel, il n’en demeure pas moins que 25% de libanais souffriront d’un trouble mental au cours de leur vie ; trouble qui se fera soigner par un seul libanais sur dix, selon les dernières statistiques de l’ONG Idraac, spécialisée dans la recherche de la santé mentale.
Les services nécessaires ont beau exister pour subvenir aux divers troubles mentaux retrouvés au sein de la société libanaise, mais ce n’est pas pour autant qu’ils sont toujours accessibles : leur haut coût est souvent un obstacle, qui, sans conteste, s’est accentué en raison de la dévaluation de notre monnaie nationale. De plus, le manque d’information d’une grande partie de la population -surtout celle en région rurale- et de surcroît le manque de conversations constructives avec elle sur le sujet, ne fait que freiner la volonté de ceux qui tiennent à le normaliser.
La pandémie de Covid-19 a peut-être temporairement construit de solides murs de pierre entre nous, mais ce n’est pas pour autant que nous ne pouvons à notre tour bâtir des ponts afin de les franchir.
En ces moments de doute et d’angoisse, il est primordial que nous nous épaulions les uns les autres.
Favorisons le dialogue, épanchons-nous quand nous en avons besoin, soyons à l’écoute et luttons tous ensemble de manière effective contre l’ennemi invisible.
« C’est pendant nos moments les plus sombres que nous devons nous concentrer pour voir la lumière. » Aristote Onassis