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Anachar Basbous: Être un artiste en 2020

Hestia Akiki, rédactrice
December 30, 2020

Sculpteur de renom, issu d'une famille d'artistes, l'art s'infiltre jusque dans son prénom, anagramme de Rachana, son lieu de naissance. C'est Anachar Basbous, sculpteur libanais, que nous avons eu la chance d’interviewer sur cette année atypique.

« Je suis né dans un champ de sculpture.»

Il voit le jour en 1969, à Rachana, véritable musée ouvert. 

« Je suis né dans un champ de sculpture. » déclare-t-il sur son site. Son père, Michel Basbous, est un pionnier de la sculpture contemporaine libanaise. Sa mère, Thérèse Aouad Basbous, est poète, dramaturge, et romancière libanaise. 

« Mes deux parents m'ont influencé dans mon parcours, c'est une influence des directe, des fois indirecte. » affirme-t-il lors de l'entretien. 

Nous pouvons facilement d'ailleurs remarquer l'empreinte de feu Michel Basbous au sein des œuvres de son fils. Mort en 1981, c'est sa femme Thérèse qui fera connaître, au cours des années, au jeune Anachar son père décédé. Celle-ci exerce une « double influence » dans la vie de son fils grâce à sa culture et sa poésie.

L’art d’Anachar Basbous se base principalement sur des formes géométriques simples. À partir de ces dernières, il crée des formes beaucoup plus complexes en décomposant ou en associant ces formes géométriques. Elles peuvent être composées de fer, de pierre, de cuivre, de bois… 

L'année 2020, celle de tous les défis. 

L'année 2020 fut éprouvante pour bon nombre de personnes. Ce fut pour Anachar « une double douleur » suite à la perte de sa mère. « Plus qu'une mère, c'était un compagnon, un guide et une source d'inspiration. » 

Cette année fut également rude pour les artistes. Bien que ces derniers soient le plus souvent indépendants et bien qu’ils puissent continuer à travailler à partir de leur domicile, ils voient leur domaine menacé par la crise sanitaire et économique engendrée parle coronavirus. 

Jugés non essentiels, les galeries, salles d'expositions et autres hauts lieux de culture se retrouvent fermés, empêchant les artistes d'exposer et de vendre leurs œuvres. « Les artistes libanais sont exposés à plus de pression, ils subissent les répercussions de crises multiples » confirme Anachar Basbous.

De plus, le domaine de l'Art a été frappé de plein fouet par l'explosion du port de Beyrouth. De nombreuses galeries, salles d'expositions et musées ont été endommagés et détruits. Les galeries Agial, Sfeir-Semler, Tanit, Janine Rubeiz, Marfa, Artlab, etc… en sont des exemples. Toutes ont été dévastées par ce cataclysme, et certaines, suite à la catastrophe, ont même opté pour la fermeture, ne bénéficiant d’aucune aide. Le musée Sursock, emblème de la culture libanaise fut particulièrement affecté, les coûts des dommages étant estimés à plusieurs millions de dollars. Le pays des Cèdres est ainsi confronté à une crise culturelle sans précédent, délaissé par un État inactif et corrompu qui n'octroyait d'ailleurs qu'une aide modique au domaine de l’art. Face aux pays du Golfe devenus ouverts à la culture où foisonnent musées, événements et expositions, « le Liban petit à petit perd son rôle de premier pays arabe culturel et artistique» constate tristement le sculpteur. 

Les artistes innovent

Ces événements pourtant n'abattront pas les artistes qui y voient « une essence pour la création » continue Anachar. « Ils sont souvent au premier plan, étant normalement extrêmement sensible, ce sont les premiers qui bougent., participent». Ventes aux enchères caritatives en collaboration avec les galeristes afin de rendre hommage à Beyrouth, ventes en lignes, … Divers moyens ont été employés afin de réussir à traverser ces événements catastrophiques. 

Le sculpteur a participé à deux ventes aux enchères caritatives, comme celle de Nayla Hitti qui a organisé Shop for Lebanon sur sa plateforme afin de venir en aide aux ONG soutenant les sinistrés ; et celle aussi de Ghassan Zard. À travers ces ventes aux enchères a été exposé le cataclysme qui a transformé tant de vies.

Les artistes libanais exploitent tout leur potentiel pour préserver cette identité artistique au pays. Tel est le cas d'Anachar qui perpétue la tradition des frères Basbous en faisant de Rachana un milieu culturel. Il invite enfin à voir malgré tout, la beauté de ce pays aux destinations variées, tel son village natal.

Finalement, le monde artistique libanais vit un de ses moments les plus rudes. Le coronavirus, l'explosion du port de Beyrouth, et les multiples crises ont étouffé un domaine délaissé depuis longtemps par l'État. Pourtant, certains comme Anachar Basbous s’efforcent de restituer la beauté du Liban.