4 août 2020…et maintenant?

Une analyse d’opinion de Cherly Abou Chabke, auteur

Août 29, 2020

2 semaines après l’apocalypse du 4 août, Beyrouth, la capitale sinistrée, demeure toujours abasourdie. N’offrant que des promesses creuses, la classe politique ahurie, est comme d’habitude engloutie dans  une spirale infernale de corruption, s’abstenant d’agir et de donner des réponses à une population affamée, accablée et désespérée. Face à une myriade d’enjeux, j’ai pris conscience de ma part de responsabilité envers mon pays dans ce contexte désastreux, et j’ai décidé de mettre en jeu mes connaissances, et de mener un entretien avec une personne en qui j’ai confiance, Madame Fadia Zreik.

Dans cette discussion exhaustive traitant du Liban, des États-Unis ainsi que du Moyen-Orient, et s’attardant sur les volets juridiques, historiques, et géopolitiques du sujet en question, notre citoyenne libanaise exprime non seulement son écœurement, mais aussi sa révolte.      

         

-La corruption au Liban a vraiment atteint son paroxysme lors de la catastrophe du 4 août, qui a été emblématique de la négligence et l’irresponsabilité de la classe politique dirigeante qui s’avère aujourd’hui non seulement corrompue, mais également criminelle… Qu’avez-vous à dire sur cet évènement tragique ? 

 

La corruption au Liban a toujours été là. Elle est présente depuis la période ottomane, pendant laquelle l’administration était corrompue, étant fondée sur le clientélisme. Elle a continué à l’être pendant le mandat français ; mais c’était une corruption sous-jacente, estompée. Elle a augmenté au fur et à mesure, et après les évènements de 1975, a atteint des niveaux très élevés. 

Dans tous les pays en mal-développement, la corruption se fait ressentir au sein des élites politiques qui amènent avec eux leur clientèle à laquelle ils accordent des postes en retour de services, postes pour lesquels ils sont souvent incompétents.

Concernant votre question, je n’ai rien à ajouter à ce que vous avez dit, à part le fait que ce soit un crime de l’État contre ses propres citoyens. Quand la corruption et l’irresponsabilité atteignent de tels niveaux, qu’on arrive à un tel cataclysme, quel autre terme utiliser que celui de crime ?

Au vu de l’explosion, j'ai senti mon cœur saigner, et ce que je ressens est plus qu'une immense douleur ; c'est de la révolte. 

J’espère que le calme relatif actuel précède la tempête.

 

-Depuis quelques jours, l’ancien premier ministre Hassane Diab a fini par céder aux pressions populaires, et surtout politiques et a annoncé la démission de son gouvernement… À quoi peut-on s’attendre, notamment après l’appel de la France à la « formation rapide d’un gouvernement qui fasse ses preuves » ?

 

La France ne peut pas interférer dans les affaires d’un gouvernement étranger, sinon on serait en train de parler d’ingérence. La France peut donner son avis évidemment, elle peut mobiliser d’autres pays, chefs d’États, pour une aide au Liban. Elle peut faire jouer son influence (peut-être sur certaines personnalités politiques), elle peut faire pression et elle l’a déjà fait puisque l’aide internationale est soumise à des réformes. 

Mais il faut aussi se méfier de l’habitude libanaise de toujours compter sur l’aide extérieure, ou de faire porter à l’étranger-quel qu’il soit- la responsabilité de tous les déboires libanais. Il n’y a plus de « miracle libanais ». Et je crois, que c’est ce que le Président Macron a voulu faire entendre : il a secoué les responsables politiques libanais pour leur faire comprendre, que le destin du pays était entre leurs mains.

 

-La visite du Président français Emmanuel Macron a été le sujet de plusieurs controverses.  Ce dernier a évoqué dans son discours à la Résidence des Pins les deux  principes de « l’exigence et l’humilité » quant à la position de la France. Malgré le support d’un grand nombre de personnes, qui sont même allées au point d’évoquer leur volonté d’un retour au mandat français, certains ont exprimé leur méfiance vis-à-vis de cette visite. À titre d’exemple, le député français Jean-Luc Mélenchon a exprimé son mécontentement dans un tweet: « Je mets en garde contre une ingérence dans la vie politique du Liban. Elle ne sera pas acceptée. Le Liban n’est pas un protectorat français », « Je mets en garde les Libanais à propos des réformes de Macron : protégez les revendications de votre révolution citoyenne », a-t-il ajouté. Selon vous, cette visite est-elle conçue comme étant une ingérence dans la vie politique libanaise, une atteinte à la souveraineté nationale ? Ou est-elle uniquement une simple visite qui rend justice au but auquel elle prétend, qui est celui de venir en aide au peuple libanais ?

 

La France a des liens avec le Liban depuis François 1er, qui par l’intermédiaire de l’Empire Ottoman, a obtenu un firmanselon lequel la France accorderait une certaine protection aux ressortissants chrétiens. Ceci s’est poursuivi sous la monarchie et plus encore en 1842 et en 1860 par des interventions favorables aux maronites.

Personnellement, je ne trouve pas du tout que c’est un acte d’ingérence. Le droit d’ingérence s’applique par ailleurs en cas de catastrophes humanitaires, et c’est bel et bien le cas, d’autant plus que cette catastrophe a été provoquée par la négligence de l’État libanais, négligence étant un euphémisme face à l’ampleur et les séquelles qu’ont entraînées l’explosion.

Cette visite est une pression sur une classe politique irresponsable qui connait les réformes qu’elle doit entreprendre mais qui ne veut pas les réaliser. Le Président Macron ne s’est pas ingéré dans les affaires libanaises, il est simplement venu dire : « Faites les réformes indispensables et vite, car il en va de la survie de votre pays. »

Concernant le tweet des deux personnalités Jean-Luc Mélenchon, et Gilbert Collard qui ont critiqué la venue de Macron au Liban, il faut noter que d’une part, Mélenchon est un opposant à Macron, donc on comprend sa position… Les réformes de Macron en France sont plutôt des réformes libérales. Il est ainsi compréhensible, que Mélenchon, figure de l’ancien parti communiste et ayant appuyé les gilets jaunes, s’oppose à ces réformes, qui vont aboutir à des négociationsavec le FMI. Or, le FMI, quand il prête de l’argent, impose des conditions …… qui mènent l’Etat à geler les salaires, augmenter les taxes indirectes, réduire les dépenses publiques (éducation, santé…), bref, tout ce qui n’est pas un programme de gauche, et ceci explique donc son opposition. D’autre part, quant à Gilbert Collard, député du Rassemblement National, et représentant de l’extrême-droite, mieux vaut ne pas le citer.

 

-Le tweet du Président Macron datant du 12 août 2020, n’a pas manqué également de susciter des critiques et des opinions mitigées… : « J’ai décidé de renforcer temporairement la présence militaire française en Méditerranée orientale dans les prochains mois, en coopération avec les partenaires européens dont la Grèce ». Qu’avez-vous à dire concernant ce Tweet ? Pourrait-on considérer que la France ait une approche néocolonialiste? 

 

On évoque ce terme généralement, « néocolonialisme », quand on parle des relations entre la France et ses anciennes colonies africaines, «ses prés carrés » après acquisition de leur indépendance. Les États africains n’étaient dès lors pas totalement souverains, mais fonctionnaient sous le parapluie français : la France, jusqu’à aujourd’hui, conserve dans ces États des bases militaires, des accords militaires, des intérêts économiques, et mène même actuellement une opération au Sahel et au Sahara -l’opération Barkhane- par le biais de l’armée française. Toutefois, depuis le discours de la Baule du Président Mitterrand, la France nuance son approche, parle de coopération et conditionne les aides au respect des droits de l’Homme. 

En Méditerranée orientale, le problème concerne les nouvelles ambitions de la Turquie d’Erdogan. C’est pour cela que la Grèce est présente, et demande actuellement une réunion de l’Union Européenne, à propos des ingérences turques dans sa zone économique exclusive (ZEE) en Méditerranée. Par ailleurs, les conflits gréco-turcs sont historiques, se sont amplifiésavec la division de Chypre, et la Grèce met son veto à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. Ces deux pays sont dans l’OTAN ; il faut donc arriver à régler ce conflit. En même temps le renforcement des forces françaises en Méditerranée orientale est lié à la question libyenne et au récent incident entre les marines turques et françaises.

 

-Toujours concernant la France : le Président avait exprimé sa volonté de revenir au Liban le 1er septembre. L’État libanais pourrait-il d’ici la seconde visite, tenir ses promesses ? Sinon, à quoi pourrait-on s’attendre ? Cette visite est-elle notre dernière chance ? 

 

S’ils veulent travailler, « nos politicards » peuvent très vite décider des réformes. 

Que peut faire le Président Macron ? 

Et la question est : d’où vient le blocage ? Il est là depuis des années et des années et notamment depuis 3 ans, lorsque la majorité actuelle est arrivée au pouvoir.

En ce qui concerne la promesse des réformes, la réponse donnée par les politiciens est toujours : « Ils ne nous laissent pas travailler ». Il est temps de connaitre ce mystérieux « ils », puisqu’ils ont la majorité au parlement.

 

-Pourquoi, selon vous cet immobilisme à ne pas faire les réformes ?

 

Simplement parce que les réformes toucheront à leurs privilèges. 

Comment accepter de perdre leurs prébendes, leur mainmise sur tous les services et revenus de l’État partagés entre les anciennes féodalités et les chefs de partis qui restent des partis communautaires ? Chacun a sa part du gâteau ; et ceci constitue la cause principale de la défaillance de l’État libanais. 

Le chef de l’État doit être conscient du fait que nous sommes en politique ; il n’y a donc pas de place au lyrisme poétique « Je suis le père de tous », « Mon passé et mon histoire témoignent de mon succès », « Vous connaissez mon triomphe pendant la guerre », « Vous me connaissez en temps de guerre et en temps de paix ». 

Quel succès pendant la guerre ? Il a détruit le Liban en 1989 : tous les ambassadeurs de l’époque lui avaient clairement dit dans le contexte de la confrontation avec la Syrie : « Personne n’est de votre côté ». Il y avait à l’époque un consensus général en faveur de la Syrie, car il y avait la guerre du Golfe, et on avait besoin de son appui. Il y a ainsi eu un marché. « Nous laissons les mains libres à la Syrie au Liban, pour la guerre du Golfe » disait-il … Il a compris que personne n’était à ses côtés, et a continué malgré tout…

Et puis, il est parti en France, a passé 11 ans là-bas ; les officiers de l’armée sont tombés dans les mains des forces syriennes et jusqu'à nos jours, il y a des prisonniers libanais dans les prisons syriennes, des disparus dont on ne connaît pas les noms…

Et puis, il est revenu est arrivé à la présidence, et a promis monts et merveilles… Malgré ceci, rien n’a été fait… Il a une part considérable de responsabilité dans ça, en dépit des blocages observés. Bien sûr qu’il y a des blocages. Peut-être qu’il veut faire quelque chose, mais qu’il y a vraiment des empêchements auxquels il se heurte… mais qu’il le dise expressément !

 

-Quand on compare le Liban d’aujourd’hui à celui des années 1960, on est affolé…Pourquoi, ce contraste radical selon vous ? 

 

Il est bon de constater tout d’abord que le contexte mondial a favorisé l’essor du Liban durant les années 60. C’était une période de croissance généralisée, (les Trente Glorieuses), qui concernait même le Moyen-Orient : l’enthousiasme des indépendances, le panarabisme, et le pétrole en sont des facteurs explicatifs.

Et puis, il faut mettre en avant le mandat Chéhab durant lequel plus de 60 décrets-lois ont été votés, toutes les institutions d’un État moderne ont été mises en place par un Président volontaire, responsable et très méfiant vis-à-vis de dirigeants politiques qualifiés de « fromagistes » (chacun d’eux voulant prendre une part du fromage, ce dernier faisant allusion au pouvoir). Et il faut bien le reconnaître, la période Chehabiste se caractérisait par l’absence d’un parti politique armé. L’ÉTAT -dans le vrai sens du terme- était présent.

Pourquoi ne pas avoir continué dans la même direction ? Je me pose moi même la question… une période Chehabiste trop courte pour éliminer le communautarisme, le clientélisme …le problème palestinien qui perturbe la région… la guerre civile qui creuse les divisions, renforce les chefs communautaires et les allégeances à des puissances régionales qui font du Liban un terrain de conflits interposés.

Certes, les années 90 apportent une lueur d’espoir avec la reconstruction mais qui reste économique et non politique, le retrait d’Israël puis de la Syrie sont une note d’optimisme, mais la classe politique reste inchangée. 

  

-Nous parlons beaucoup aujourd’hui de la mise en œuvre d’élections parlementaires anticipées. Avant de vous poser la question voici le résultat d’un sondage mené avant la catastrophe : 45% des électeurs disaient qu’ils voteraient pour les mêmes personnes qu’en 2018. Un quart d’entre eux seulement se disait prêt à changer.  Selon vous, une nouvelle loi électorale, suffira-t-elle pour bouleverser le dogme renverser la majorité au parlement, et mener à l’ascension d’une nouvelle élite politique ? 

 

À mon avis, il doit d’abord y avoir un gouvernement provisoire indépendant des partis, qui sera en mesure d’entamer les réformes essentielles, et de promulguer une nouvelle loi électorale favorable à l’arrivée de personnes compétentes. Des élections anticipées sans loi nouvelle, n’ont aucun sens. Et même ainsi, le changement ne se fera pas dans l’immédiat ; la politique a besoin d’un temps étendu pour faire évoluer les mentalités, la démocratie se construit à partir d’avancées et des reculs. Prenons l’exemple de la France : il a vraiment fallu attendre le début du XXème siècle pour assister à l’ancrage de la République.

 

-Que pensez-vous du défilé politique qui se déroule aujourd’hui avec la visite des dirigeants mondiaux ? Quelle devrait être la stratégie à suivre afin d’apaiser la situation ?

 

La première chose à faire est de réaliser des réformes nécessaires afin que l’aide arrive, et que le FMI débloque l’argent.

Il faut bien noter que l’aide qui arrive maintenant est une aide d’urgence humanitaire, et non pas une aide pour la reconstruction. 

Pourquoi assiste-t-on à un défilé de personnalités ? 

Les mouvements diplomatiques sont dûs en partie à cette catastrophe mais aussi au contexte régional : la Turquie qui avance ses pions en Syrie, en Irak et en Libye, l’Iran qui joue un rôle certain dans notre pays, l’Egypte qui a l’aval de l’Arabie saoudite, les élections américaines dans quelques mois …

On parle beaucoup actuellement de neutralité et de distanciation et cela a toujours été la position du Liban : avoir de bons rapports avec ses voisins autant que possible. Fouad Chehab l’avait bien dit, avec la « neutralité positive » : nous sommesavec les pays arabes, quand leurs intérêts coïncident avec ceux du Liban, et si ce n’est pas le cas, nous nous abstenons. 

Jamais le Liban n’a été comme maintenant tributaire de l’axe syro-iranien. 

 

-Est-ce que nous sommes aujourd’hui en train de cueillir les fruits des manifestations du 17 octobre ? Cette révolution est-elle un succès ou plutôt un échec ? 

 

Il faut bien commencer quelque part. Cela ne veut pas dire que la réussite sera assurée dès le premier coup. Le peuple a exprimé sa position, s’est mobilisé. 

L’impulsion a été donnée, même si ce mouvement populaire de contestation n’a pas donné suite à des transformations dans l’État. Les libanais habitués à tout supporter, à s’adapter, apprennent maintenant à ne plus se taire. 

 

-Qu’est-ce qui a changé par rapport aux anciennes révolutions ? Pourquoi selon vous, celle du 17 octobre a pu mobiliser tant de monde, sachant que les revendications de cette dernière sont presque les mêmes que celles des anciennes protestations ?

 

Les protestations de 2005 étaient liées à l’assassinat de Hariri. C’était un mouvement de souveraineté nationale. Ce qui a prévalu en 2005, c’était la volonté d’enfin se libérer de l’emprise syrienne. Le mouvement actuel, lui, est dirigé contre l’État libanais lui-même, contre son incurie, sa paralysie face à la crise économique. 

 

-Les accords de Taëf ont transformé les criminels de guerre, les princes de guerre en politiciens, ministres, députés sans les tenir responsables des actes atroces qui ont eu lieu durant la guerre. L’ancien premier ministre Diab dans son discours après l’explosion, avait exprimé sa volonté de punir les personnes ayant un lien avec le crime sans vraiment les citer. Il a juste blâmé ces dernières sans mentionner leurs noms, en se déculpabilisant de la sorte. Cette classe politique maîtrise justement cette culture du « blame game » - jeu du blâme. L’histoire est-elle aujourd’hui en train de se répéter ?  Cette classe corrompue va-t-elle pouvoir s'en tirer encore une fois, avec le refus d’ouverture d’une enquête internationale, malgré la pression des leaders mondiaux ? 

 

L’accord de Taëf a été ratifié à la fin de la guerre civile, dans une volonté de réconciliation. Il a donc été accompagné d’une loi d’amnistie : on tourne la page sur tout ce qui s’est passé avant 1990 et 1991, pour reconstruire ensemble. Des lois d’amnistie sont votées dans tous les pays, mais elles s’accompagnent en même temps de procès, de jugements de criminels de guerre, de tribunaux populaires consacrés à la réconciliation, de monuments aux victimes de la guerre, ce qui n’a pas été fait chez nous.

Aujourd’hui, ce drame inacceptable qu’a été l’explosion, personne ne va l’oublier. Les victimes vont-elles se réunir en un collectif et porter plainte contre l’État ?

Les hauts responsables vont-ils être jugés ? Il y aura certainement quelques personnes accusées, mais jusqu'à quel point ? 

Va-t-on responsabiliser le Chef de l’État ? Les ministres qui se sont succédé ?

Je n’ai pas confiance en la justice de mon pays.

 

-Les aspirations des accords de Taëf sont la restauration du bicamérisme et l’abolition du sectarisme politique… Selon vous, la mise en place d’un État séculier, serait-elle la réponse aux maux des libanais ? 

 

Les accords de Taëf avaient exprimé la volonté de passer progressivement à la laïcité politique. Rien n’a été fait.

Concernant la mise en place d’un État séculier, je doute que les communautés religieuses, soient décidées à perdre leur influence. 

Si on regarde la mise en œuvre difficile et conflictuelle de la loi de 1905 sur la laïcité en France, je ne peux imaginer les tensions que cela provoquerait au Liban.

 

-252,7 millions d’euros d’aides d’urgence ont été promis au Liban lors de la « conférence internationale de soutien et d’appui à Beyrouth et au peuple libanais », à laquelle ont participé une trentaine de pays et des organisations internationales, comme la BERD, la Banque mondiale ou encore le Fonds monétaire international. Comme nous l’avons déjà mentionné cette notion de « support de la communauté internationale », est à utiliser, avec précaution. Le Liban s’immiscera-t-il, s’enfoncera-t-il encore plus dans le gouffre des interventions internationales ? Restera-t-il un terrain de jeu dans lequel les intérêts internationaux s’affrontent ? 

 

Le Liban est un petit pays, qui n’a pas de force militaire, et qui ne vise pas à être une puissance. Il a besoin d’appuis internationaux, mais en parallèle ne doit pas dépendre d’influences extérieures qui lui dicteraient sa politique. 

C’est un pays qui doit être souverain et qui doit appliquer une bonne gouvernance, avoir des lois qui fondent un État de droit, et des dirigeants qui doivent rendre des comptes.

 

-À l’échelle internationale, les élections présidentielles américaines, sont conçues désormais comme étant un moment clé dans la vie politique mondiale, puisque, le président élu, sera le chef de l'État le plus puissant sur Terre, et s'imposera comme l'une des figures incontournables au niveau global. Selon vous, ces élections constitueront-elles un tournant politique pour le Moyen-Orient ? Et qu’en serait-ce quant à leur influence sur le Liban dans le contexte actuel ? 

 

Les élections américaines ont toujours eu de l’influence, cela dépend de la politique étrangère choisie par le Président en question. 

Obama avait déjà commencé un certain retrait des affaires internationales, et accordé un intérêt à l’Asie. Trump a exacerbé les divisions, accentué l’isolationnisme, pratiqué une politique étrangère incohérente, et a presque considéré l’UE comme une ennemie.

Si Trump reste, la politique de blocage et de sanctions contre l’Iran, va continuer. 

Si Biden est élu, les relations seront peut-être plus détendues et surtout plus amicales avec les alliés européens. Mais dire que les Présidents américains s’occuperont du sort du Liban… ce n’est pas un pays qui est dans leur axe stratégique, et au vu de leur politique en Amérique centrale, au Vietnam, en Afghanistan et en Irak, nous préférons vraiment que leur intérêt se porte ailleurs.  

 

-Si l’on fait un bilan des évènements qu’un libanais de 45 ans a déjà vécus, nous obtenons ceci: la guerre civile (1975-1990), l’occupation syrienne (1990-2005), série d’assassinats (2004-2013), la guerre de juillet 2006 le conflit de mai 2008, les attaques terroristes (2013-2016), la crise économique (2020), la crise sanitaire avec le coronavirus (2020), et l’explosion du 4 août 2020.  Selon vous, est-ce cela le destin du Liban, de faire sans cesse face à une pléthore d’enjeux de toutes sortes ?  Devrons-nous toujours faire l’éloge de la résilience des libanais, trait distinctif du pays dont on est fier ? 

 

Je ne crois pas à la fatalité, et je ne puis me résoudre au désespoir, à la résilience. 

Il y a quelque chose en moi qui se révolte à cette idée. Je crois toujours au progrès de l’Homme, au progrès de l’Histoire. Et j’aimerais croire que dorénavant, les libanais ne vont plus accepter si facilement leur sort. Donc, je continue à espérer malgré tout.

 

 

-Qu’aimeriez vous dire aux jeunes libanaises et libanais ? 

Que la vie est un combat, que se battre pour un idéal est ce qui fait l’Homme, et comme l’exprime si bien ce slogan de 1968 : « Soyez réalistes, demandez l’impossible. »

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