Le retour à la nature en temps de crise : une nouvelle menace à la biodiversité
Hestia Akiki, Rédactrice
Janvier 23, 2021
La crise sanitaire et économique a poussé les libanais à un « retour aux sources ». Retour aux terres pour les exploiter, balades en forêt, pique-niques ; le contact avec les milieux naturels ne cesse de se multiplier. Ces derniers se retrouvent exposés à une activité humaine sans précédente, remettant en question la survie des écosystèmes déjà extrêmement fragilisés.
Les espaces forestiers sont un habitat pour de nombreuses espèces au Liban. Avec notre patrimoine culturel, nos écosystèmes constituent la véritable essence du pays. Petit havre riche en biodiversité et espèces endémiques, le pays des Cèdres est un véritable point chaud dans la région.
Or, un retour anarchique des libanais dans ces espaces forestiers constituerait une nouvelle source de pression pour un milieu unique. « L'impact sera plus important que dans une autre zone avec moins d'espèces mais réparties sur une plus large surface, les nombreuses espèces endémiques qui disparaîtront au Liban, disparaîtront de la vie » confirme Dr. Rana El Zein, spécialiste en écologie et écophysiologie forestière, et enseignante à la Faculté des Sciences de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth.
L'invasion anthropique dans les milieux naturels constitue une réelle menace cueillette, pollution, incendies…
L'exploitation anarchique des ressources naturelles tels que les herbes et les champignons est la conséquence la plus observée, suite à ce « retour aux sources ». La cueillette se fait en négligeant l'espèce et sa capacité à se renouveler, voire même son utilité. De plus, cette découverte des espaces verts mène les amateurs de la nature hors des sentiers battus, vers des milieux exempts de toute présence anthropique. Ces derniers, essentiels pour le maintien de la biodiversité, voient leurs espèces végétales piétinées. La perturbation d'espaces naturels libres de toute présence humaine remet donc en question la survie de certaines espèces.
La présence humaine augmente la pollution : détritus engendrés par les pique-niques et randonnées favorisent l'apparition de décharges sauvages qui peuvent menacer la survie de nombreuses espèces ; l'altération de leurs milieux de vie perturbe l'équilibre de l'écosystème. Le lichen par exemple peut disparaître suite à une hausse de composés existant en conséquence de la pollution.
« Les feux au Liban ne sont pas naturels… Malheureusement ils sont occasionnés par l'irresponsabilité et la nonchalance des gens. » certifie la scientifique.
Les activités anthropiques et la saison sèche étant déjà à l’ordre du jour ; la prolongation de cette période, l'augmentation des températures, mais aussi l'intensification de l'activité humaine ont accentué les incendies actuels. Défrichement des terres par le feu, feux de camp mal éteints, bouteilles de verre et mégots de cigarette encore chauds n'ont cessé d'accentuer l'action d'une catastrophe globale, celle du réchauffement climatique. Le Liban en est grandement affecté.
La prolongation de la saison sèche rend les incendies plus fréquents. L'année 2020 dépasse celle de 2019, puisque 7132 hectares d'espaces verts y sont partis en fumée et ont été réduits en cendres. « Le plus souvent, ce sont les pinèdes (forêts de pins) et les chênaies (forêts de chênes) qui s'exposent aux incendies, parce qu’elles se trouvent à des altitudes faibles ou moyennes où nous observons souvent une activité humaine. Mais cette fois-ci, des zones protégées ont été atteintes. C'est le cas du Akkar qui a vu pour la première fois sa forêt de genévriers décimée. »
Dans un contexte méditerranéen, il sera difficile pour les forêts de se remettre de cette catastrophe environnementale. Ceci est dû longs mois de sècheresse et de chaleur, caractéristiques de cette région, ce qui rend plus difficiles la récupération et le développement des arbres ; d'où l'importance de prévenir les incendies.
Bien que scientifiques, ONG et État travaillent main dans la main afin de préserver notre patrimoine naturel, les citoyens jouent eux aussi un rôle essentiel. En ces temps de crise, la nature est notre seule évasion, et c’est à nous de l'exploiter durablement.
Face à cette anarchie, l'engagement des libanais eux-mêmes est le seul moyen de protéger un écosystème riche et fragile qui n'a toujours pas révélé tous ses secrets.
Ainsi, tout citoyen qui se respecte devrait prendre conscience et agir durablement pour préserver la seule richesse du Liban, sa nature.