#BlackLivesMatter, le cri de l’injustice
Une analyse d’opinion de Nour Lana Sophia Karam, auteur
Juillet 18, 2020
Il s’appelait George Floyd. Il avait 46 ans. Il était père de 5 enfants. Il était noir de peau.
Le 25 mai 2020, sa vie lui fut violemment ôtée par Derek Chauvin, officier de police, et ce en raison de son utilisation d’un billet de banque falsifié de vingt dollars. Ce dernier exerça de tout son poids sur le cou de George pendant près de huit minutes une pression telle qu’il expira peu de temps après, au service d’urgence d’un hôpital de Minneapolis.
Depuis, son leitmotiv « I can’t breathe » raisonne plus que jamais dans la conscience collective comme un cri strident et douloureux qui sort des abîmes : le cri de la dénonciation de l’injustice et de celle de la ségrégation raciale, laquelle jusqu’à nos jours, demeure un fléau dangereux et grandissant à travers le monde et notamment aux États-Unis d’Amérique, se revendiquant du moins comme étant la terre de toutes les libertés.
Si l’histoire de George Floyd a attiré une grande attention et a suscité de vives émotions aux quatre coins de la planète, il n’est malheureusement pas le premier à périr de façon aussi brutale aux mains de la police américaine. Comme lui, beaucoup d’autres ont souffert de manière similaire et ont fait preuve d’un traitement injuste et inhumain qui très souvent, leur a coûté la vie. Sans conteste, dans la quasi-totalité des cas, ces martyrs du système sont victimes de leur couleur de peau qu’ils n’ont pourtant pas choisie. Les enfants et femmes n’en sont malheureusement pas épargnés non plus.
Quelques mois plus tôt, dans la nuit du 12 au 13 mars 2020, ce fut Breonna Taylor, infirmière de 26 ans, qui tomba -dans son domicile- à la merci de la brutalité policière. Celle-ci reçut huit balles dans le corps alors qu’il s’avéra plus tard que les agents qui lui avaient tiré dessus agissaient dans le cadre d’un avis de recherche erroné. Breonna a pourtant été sauvagement tuée, se trouvant au mauvais endroit, au mauvais moment ; son seul crime étant d’avoir la peau noire.
C’est dans ce contexte de brutalité injustifiée que le hashtag #BlackLivesMatter a émergé en 2013 et a aujourd’hui été remis au goût du jour. Celui-ci a été utilisé près de trente millions de fois sur Twitter entre juillet 2013 et mai 2018.
Tout a exactement commencé le 26 février 2012, lorsque Trayvon Martin, adolescent afro-américain de 17 ans, rentrait chez la fiancée de son père après avoir acheté des sucreries. C’est alors que George Zimmerman, un latino-américain coordinateur de la surveillance du voisinage, l’aperçut. Ce dernier, estimant que le comportement du jeune garçon était suspect, le tua par balle quelques minutes plus tard. Zimmerman, lorsque la police arriva sur les lieux, invoqua la légitime défense afin de se libérer de l’acte barbare qu’il venait de perpétrer. Le 13 juillet 2013, malgré le tollé soulevé par l’affaire, le meurtrier de Trayvon Martin fut déclaré non coupable de toutes les charges qui avaient été retenues à son encontre. Son acquittement offusqua l’opinion publique et fut pour la communauté afro-américaine une étape charnière dans leur combat contre le racisme aux États-Unis : c’est là que, pour la première fois, le hashtag #BlackLivesMatter a été utilisé sur les réseaux sociaux par les fondatrices du mouvement tel qu’on le connaît aujourd’hui : Alicia Garza, Patrisse Cullors, et Opal Tometi ; trois femmes afro-américaines activistes de la lutte antiraciste et dénonciatrices de l’usage excessif de la force des autorités de police, surtout à l’encontre de leur communauté.
L’année suivante, en 2014, le mouvement grandit : des protestations ont lieu cette année-là et répètent entre autres les noms d’Eric Garner, 44 ans, et de Michael Brown, 18 ans. Le premier est mort des suites d’une strangulation disproportionnée exercée par l’agent de police newyorkais Daniel Pantaleo, alors qu’Eric venait de subir un plaquage ventral pour avoir refusé de mettre ses mains derrière son dos après avoir été questionné pour vente illégale de cigarettes. Comme pour George Floyd en 2020, la scène de son arrestation est filmée et massivement relayée sur les réseaux sociaux ; et dans la vidéo, il déclare aussi avec accablement, de son dernier souffle : « I can’t breathe ».
Le second, lui, est abattu par six coups de feu -tirés par un policier du Missouri, Darren Wilson- alors qu’il avait les mains en l’air selon les témoignages.
En 2015, la boucle n’est toujours pas bouclée : les officiers américains s’en prennent encore aux personnes noires qu’ils interpellent de façon on ne peut plus brutale : coups de feu immotivés et usage illégitime de la violence physique demeurent dans leurs habitudes.
Entre 2016 et 2020, les mêmes scénarios se répètent d’année en année…
Néanmoins, le nombre de partisans du mouvement #BlackLivesMatter augmente de façon considérable à travers les États-Unis, eu égard à une politique trumpienne de plus en plus impopulaire. Aussi, bien que le mouvement n’ait pas de structure centrale ; n’étant à l’origine qu’une simple plateforme en ligne, il existe désormais des groupes #BlackLivesMatter à l’échelle mondiale, principalement aux États-Unis, mais aussi au Ghana et au Royaume-Uni.
En juin 2020, c’est le monde entier qui est engagé dans la cause, avec des sit-in organisés à Amsterdam et Londres, en passant par le Brésil et le Japon. Encore une fois, les réseaux sociaux auront été un outil efficace et percutant de dénonciation sans lequel des sujets comme celui-ci auraient été oubliés.
Le racisme n’est pas une invention, ou une technique de victimisation comme pourraient le penser certaines personnes.
Le racisme est une construction sociale et historique dont les méfaits ont longtemps été iniquement ignorés et tus.
L’affaire George Floyd a été et continue d’être une prise de conscience à l’échelle internationale contre la ségrégation raciale.
#BlackLivesMatter est aujourd’hui plus qu’un hashtag.
#BlackLivesMatter est désormais plus qu’un mouvement.
C’est un cri du cœur contre la ségrégation raciale ; contre le racisme structurel ; et contre l’injustice dominante.
C’est un combat contre les mentalités rétrogrades, contre l’indifférence, et contre la haine.
C’est une ode à la tolérance, à la justice sociale, et à la paix.
« Ce qui compte, chez un homme, ce n'est pas la couleur de sa peau ou la texture de sa chevelure, mais la texture et la qualité de son âme. »
Martin Luther King